
Chaque mercredi après-midi, une dizaine de tout jeunes enfants, âgés de 4 à 6 ans, se retrouvent à l’Ecurie des Dudes, à Essertines-sur-Rolle. Là les attendent Peluche, Rose, Noisette, Câline et Marguerite, des shetlands à la frimousse attachante. «Nous avons ouvert cette classe voilà quatre ans environ, pour répondre à la demande des parents, explique Claudia Ackermann, qui exploite cette écurie avec son mari Urs. Lorsque j’ai moi-même commencé l’équitation, il était rare qu’on puisse monter avant l’âge de 10 ans. J’ai l’impression que cette évolution fait partie d’une tendance générale: aujourd’hui, on commence toutes les activités, qu’elles soient sportives ou artistiques, plus jeune.»
Développer l’équilibre
Et la demande est là, indéniablement. A l’écurie des Dudes, la liste d’attente est de deux ans! Souvent, les mamans sont cavalières et elles ont envie de transmettre leur passion à leur fils ou à leur fille, mais il arrive aussi que la demande vienne de l’enfant. «Le premier objectif n’est pas sportif, mais pédagogique. Avec mon travail, j’aimerais contribuer à un développement harmonieux de l’enfant, qu’il devienne ou non cavalier par la suite.»
Brosse en main, chaque enfant toilette son poney, un moment privilégié pour eux. Certains se mettent à plusieurs pour s’occuper de leur compagnon favori, d’autres préfèrent lui faire des câlins. Dociles, les poneys se laissent faire, ne réagissant guère à tous ces cavaliers en herbe qui s’agitent autour d’eux. Une fois qu’ils sont sellés, le groupe est partagé en deux. Une moitié accompagne Claudia Ackermann et Bappaloo pour une séance de longe, tandis que l’autre va s’initier au cross avec Katharina Forrer. «A cet âge, nous accordons avant tout beaucoup d’importance à l’équilibre, souligne Claudia. Par mesure de sécurité et pour préserver leur bouche, chaque poney est tenu par un enfant plus grand, qui le guide. Nous ne donnons les rênes que lorsque le jeune cavalier a une assiette indépendante, c’est-à-dire qu’il peut les tenir sans s’y accrocher pour rétablir son équilibre.»
Surmonter ses appréhensions
A la queue leu leu, les cinq poneys rejoignent le terrain de cross. La séance débute par quelques exercices: faire du crawl avec les mains, toucher les oreilles de sa monture, lever les genoux, se mettre en suspension. «Je varie beaucoup les cours d’une fois à l’autre, en y intégrant toujours une part ludique, note Katharina Forrer.»
Ensuite, les poneys sont amenés vers des contre-hauts et contre-bas, des obstacles typiques de cross qu’on pourrait qualifier de marches d’escalier. Guidé par un plus grand, le jeune enfant doit avant tout se préoccuper de bien garder son équilibre, en accompagnant le mouvement du poney. Un joli échange se crée alors avec l’enfant plus âgé, qui encourage et donne des conseils à son «élève». «Regarde bien au loin, penche-toi un peu en arrière, bravo!» Certains sont plus courageux que d’autres, mais dépasser ses craintes permet à l’enfant de prendre confiance en lui. Il est étonnant de voir à quel point ces tout jeunes cavaliers ont déjà une bonne position. Le cours se termine ensuite par un jeu, 1-2-3-soleil à poney! «Pour moi, l’aspect pédagogique le plus important est d’apprendre à se faire respecter du poney tout en le respectant, insiste Claudia Ackermann. Avoir cette capacité sera ensuite un atout dans la vie. Nous accordons également beaucoup d’importance à l’aspect social entre les enfants. De grandes amitiés se créent entre les élèves!»
Véronique Curchod
Terre&Nature, le 21 novembre 2013
Des risques pour la santé peu connus
Nous avons pris contact avec plusieurs pédiatres, mais force est de constater que les conséquences physiques de la pratique de l’équitation chez les très jeunes enfants ne sont guère connues. L’un met en avant le risque de fractures, l’autre, cavalier, s’étonne que des enfants de cet âge soient déjà à cheval. «Même si la pratique de l’équitation est probablement bénéfique à plus d’un titre, les risques pour les très jeunes enfants, qui n’ont pas encore une coordination motrice, un sens de l’équilibre ainsi qu’une perception de leur environnement et du danger pleinement développés, sont probablement non négligeables», soulignait l’un d’eux. De son côté, Claudia Ackermann relève qu’elle a très peu de chutes et qu’elles sont bénignes.
Plus de demande de cours que d’offre
Bien que la demande soit là, peu d’infrastructures proposent de commencer l’équitation si tôt. En effet, s’il est relativement facile de trouver un lieu où louer un poney pour une balade en main, rares sont les manèges à proposer des cours dès 4 ans. Actuellement, la majorité des centres équestres accueillent les enfants plutôt dès l’âge de 7 ans. Un des points qui posent certainement des problèmes est la difficulté de former une cavalerie adaptée. Beaucoup de ces petits poneys sont réputés pour être caractériels, probablement par manque d’une éducation adaptée. «Les shetlands sont beaucoup trop petits pour être montés par des adultes, souligne Claudia Ackermann. Je les travaille donc à la longe et aux longues rênes. Au début, j’avais demandé à des élèves plus grands et déjà bons cavaliers de les monter. Mais maintenant qu’ils sont bien formés, cela n’est plus nécessaire. Je pense que cela fonctionne bien avec mes poneys, parce que je les aime et les respecte. Ce ne sont pas des jouets, il faut les prendre au sérieux comme n’importe quel cheval.»