Quantcast
Channel: Terre & Nature
Viewing all articles
Browse latest Browse all 179

Toujours vert, le Parc national suisse fête ses 100 ans

$
0
0
Parc national suisse © DR

Quand on vient de la Suisse romande, le Parc national suisse (PNS) se mérite. Depuis Lausanne, il faut compter presque cinq heures de voyage pour le rejoindre. Mais une fois sur place, on oublie vite la longueur de cette odyssée en transports publics. A la descente du car postal, à Zernez (GR), un petit village situé aux portes du parc, la magie du lieu opère instantanément. Le paysage, essentiellement caractérisé par des forêts d’altitude et des massifs montagneux, est véritablement grandiose.

Faune de montagne riche

Outre la beauté de la nature, la richesse faunistique saute aux yeux lorsqu’on se balade au sein du PNS. Il faut dire que c’est l’un des rares endroits de Suisse où l’on peut être pratiquement sûr, à condition de bien choisir son itinéraire, de voir au cours de la même journée la quasi-totalité des représentants de la faune de montagne, de la marmotte au cerf, en passant par le chamois ou encore le gypaète. «Près de trente mammifères et une septantaine d’espèces d’oiseaux y trouvent refuge, précise la géographe Antonia Eisenhut (voir page suivante), qui guide régulièrement des excursions à l’intérieur du parc. La chasse est interdite et les visiteurs ne sont autorisés à marcher que sur les chemins de randonnée officiels, ce qui limite considérablement le dérangement aux animaux.»

Lorsqu’on arpente le val Stabelchod, une zone particulièrement giboyeuse à l’est du PNS, il est indispensable d’emporter ses jumelles ou, mieux encore, une longue-vue. «Vingt-six jeunes gypaètes ont été relâchés dans ce secteur entre 1991 et 2008, dans le cadre d’un programme de recherche international, précise Antonia Eisenhut. Cette réintroduction a grandement contribué à la recolonisation de l’arc alpin par ce rapace, qui est passé tout près de l’extinction en Suisse.» L’opération a été un succès et on peut régulièrement observer des gypaètes dans ce bout de ciel grison. Autre animal emblématique du parc, le bouquetin est lui aussi un exemple vivant de réintroduction réussie. Prisé pour sa viande autant que pour ses cornes, qui servaient à fabriquer des médicaments, il a fini par disparaître du canton vers 1650 et du pays en 1809. Pilotés par l’organisation Pro Natura, plusieurs lâchers d’animaux élevés en captivité ont permis de repeupler petit à petit la région, dès les années 1920. Depuis, l’espèce fait l’objet d’un suivi régulier.

L’eldorado des chercheurs

Si l’on excepte ces réintroductions, ainsi que quelques tirs ponctuels de régulation de cerfs rouges, autorisés à titre exceptionnel dans les années 1970 après des hivers particulièrement rudes, et ce afin d’empêcher le broutage excessif des arbres, la volonté des fondateurs (voir encadré ci-contre) de laisser la nature se développer librement, sans aucune intervention humaine, a toujours été respectée. «Tout à fait visionnaire pour l’époque, cette approche a permis de récolter des données scientifiques sur une longue période dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse de l’étude de la faune, de la flore, des forêts ou du climat», souligne le biologiste Heinrich Haller, qui dirige le PNS depuis 1996.

Au cours des dernières décennies, la renommée du parc dans la communauté scientifique n’a fait que grandir, servie par une gestion aussi rigoureuse qu’exemplaire. «Dans ce laboratoire à ciel ouvert, bien des sujets restent à étudier, poursuit Heinrich Haller. A plus ou moins long terme, les grands prédateurs comme le loup, l’ours et le lynx devraient faire leur réapparition à l'intérieur du parc. Curieusement, ils ne s’y sont jamais installés, ce qui a privé jusqu’à présent les chercheurs de la possibilité de faire un monitoring suivi.»  

Tourisme durable et rentable

Si les chercheurs et la faune sont les grands gagnants de la protection intégrale de la nature en vigueur dans le parc, à laquelle ils ont un accès privilégié, les touristes ne sont pas en reste. Un réseau pédestre de 80 km2 quadrille le parc. Et, depuis 2008, un centre d’information flambant neuf, construit par l’architecte grison Valerio Olgiati, les accueille et les sensibilise à l’histoire du PNS, aux richesses de la nature ou encore au travail des chercheurs.

Chaque année, environ 150 000 visiteurs séjournent dans le parc. Aussi modeste soit-il comparé aux millions d’entrées totalisées par certains grands parcs naturels américains, cet afflux n’en profite pas moins au secteur de l’hôtellerie dans toute la Basse-Engadine. Selon une étude parue en 2013, la valeur économique créée dans la région s’élève à 20 millions de francs par an. Le tourisme occupe désormais dans la stratégie du parc une place presque aussi importante que la protection de la nature et la recherche, qui en sont les deux piliers. «En un siècle d’existence, le PNS a atteint bon nombre des objectifs définis lors de sa fondation, se félicite Heinrich Haller. Avec un outil aussi magnifique, nous pouvons regarder en direction des cent prochaines années avec sérénité.»  

Alexander Zelenka

Terre&Nature, le 4 septembre 2014

Questions à Heinrich Haller, directeur du Parc national suisse

Comment l’emplacement actuel du Parc national suisse (PNS) a-t-il été choisi?

Au début du XXe siècle, les membres de la Ligue suisse pour la protection de la nature (aujourd’hui Pro Natura) ont commencé à chercher une zone peu touchée par les activités humaines, qui aurait pu redevenir «sauvage» sous les yeux des scientifiques. Déjà connue 
du botaniste zurichois Carl Schröter, l’un des futurs créateurs du parc, la région de l’Ofen, au cœur du périmètre protégé actuel, remplissait leurs critères. Les communes concernées se sont montrées favorables au projet, qui a pu se faire sans difficulté majeure.

Le PNS est cité en exemple dans le monde entier. Pourquoi?

Selon la définition de l’Union internationale pour la conservation de la nature, le PNS appartient à la catégorie I, la plus stricte, qui caractérise les réserves naturelles intégrales protégées. Dans les Alpes, c’est le seul parc à avoir obtenu cette notation. La nature est entièrement livrée à elle-même et nous n’intervenons pas dans la régulation de ses processus naturels.

Ce site de recherche idéal a-t-il des défauts?

Quelques-uns. D’abord, sa superficie est modeste. Ensuite, il est traversé par une route relativement fréquentée, qu’il n’est pas question de fermer, ce qui pose des problèmes du point de vue écologique. Enfin, les grands prédateurs ne s’y sont jamais établis, ce qui 
a privé les scientifiques de la possibilité de les étudier.

bonasavoir.png

+ d’infos Plus de renseignements sur www.nationalpark.ch; Pour commander l’Atlas du PNS: www.atlasnationalpark.ch

En chiffres

170 km2 de nature 
à l’état pur

  • Création 1er août 1914.
  • Statut Fondation de droit public.
  • Objectifs Protection totale de la nature, recherche scientifique, information du public.
  • Superficie 17 240 hectares.
  • Altitude de 1400 m à 3174 m.
  • Réseau pédestre 80 km2 de sentiers.
  • Visiteurs Environ 150 000 par an.
  • Gardes 8 surveillants à temps plein.
  • Chiens Interdits dans l’enceinte du parc, même tenus en laisse.
  • Ouverture Du 1er juin au 31 octobre.

Ils vivent le parc au quotidien

Ludwig Hatecke, Scuol
S’il y a une spécialité du terroir qu’il faut goûter si l’on visite le Parc national suisse, c’est bien la viande séchée de Ludwig Hatecke. Petit-fils de boucher, le Grison a développé une ligne de produits d’une qualité exceptionnelle, en vente dans ses magasins de Zernez, Scuol et Saint-Moritz, qui tiennent plus de la boutique de design branchée que de la boucherie traditionnelle. Sur les étals, on trouve saucisses ou viande séchée de bœuf d’alpage de la région, côte de bœuf (d’alpage toujours) rassise sur l’os, agneau... En automne, l’offre s’enrichit avec la chasse, en grande partie grisonne. «Nous mettons l’accent sur la qualité des matières premières et sur la proximité, explique le quinquagénaire. Nous travaillons avec les éleveurs et les chasseurs locaux. La traçabilité est ainsi garantie.» La philosophie de la maison tient en une phrase: «Terra sana, erba sana, vivanda sana.» Traduction du romanche: la bonne terre et la bonne herbe donnent de la bonne nourriture.
+ d’infoswww.hatecke.ch
 

Antonia Eisenhut, Zernez
Géographe de formation, Antonia Eisenhut a fait ses études entre Fribourg, Barcelone et Berne. «Désireuse de travailler pour le Parc national suisse, j’ai réussi à décrocher un premier emploi temporaire consistant à répondre aux questions des visiteurs dans un point d’information mobile, sur la route du col de l’Ofen, en 2007», se souvient la jeune géographe. L’année suivante, après un stage en Systèmes d’information géographique, elle démarre un travail de management de données à long terme. «Pour simplifier, mon travail consistait à compiler, archiver et numériser les données récoltées depuis les premiers programmes de recherche par les scientifiques, de manière à les rendre facilement accessibles.» En parallèle, Antonia Eisenhut travaille au développement de l’application iWebPark, un guide numérique pour smartphones, et fait des visites guidées à l’intérieur du parc. Son plus beau projet a démarré en 2010 et a duré jusqu’à fin 2013: «J’ai géré la publication de l’Atlas du Parc national suisse, l’ouvrage de référence sorti à l’occasion du centenaire. J’ai coordonné le travail des contributeurs, rédigé des articles et réalisé les cartes qui l’illustrent.»
 

Manuela Bezzola, Zernez
Située à la sortie du village, la ferme de Manuela et d’Armon Bezzola, agriculteurs à Zernez, ressemble un peu à l’arche de Noé. Une trentaine de vaches mères voisinent avec des veaux, des chèvres, des poules, des chevaux et un âne. La plupart des bêtes passent l’été sur l’alpe. Membre de l’association Aventure sur la paille, Manuela Bezzola en profite pour transformer l’écurie en dortoir de manière à pouvoir loger les visiteurs et les familles de passage. Comme les autres agriculteurs du village, les Bezzola travaillent en bio. «Pour nous, c’est plus facile qu’en plaine, car on ne fait pas de grandes cultures, précise l’exploitante. La première et la seconde coupe d’herbe suffisent à nourrir les vaches. Les veaux sont vendus à la Coop sous le label Natura beef.» Avec d’autres paysannes de l’Engadine, Manuela Bezzola contribue à remplir le Scarnuz Grischun, un panier de produits du terroir locaux, contenant entre autres du sirop, des biscuits, des herbes séchées, des confitures et des légumes en conserve.
+ d’infos Ferme Bezzola, 7530 Zernez, tél. 081 856 16 51.

 

Famille Martig, cabane Cluozza  
L’histoire de la famille Martig, originaire de l’Oberland bernois, est tout sauf banale. Marlies, comptable, et Jürg, guide de montagne, gardiennent depuis quatre ans la cabane Cluozza, à 1882 m d’altitude. Située à quatre heures de marche de Zernez, c’est la seule permettant au public de passer la nuit au cœur du parc. «Nous rêvions depuis longtemps de gérer une cabane, aussi, quand mon mari a su que les anciens gardiens se retiraient, nous avons sauté sur l’occasion», se souvient, encore enthousiaste, Marlies Martig. L’année passée, entre juin et octobre, 4000 visiteurs y ont dormi. Un sacré défi logistique, quand on n’a ni eau courante ni électricité. Accueil, tâches ménagères et cuisine sont assurées à tour de rôle par le couple. Une fois par mois, un hélicoptère leur dépose des vivres. «Nous descendons chaque semaine à Zernez à pied pour faire les courses, que nous ramenons sur notre dos, comme des sherpas», précisent les gardiens. Une solution originale a été trouvée pour que leur fils Tim, 10 ans, puisse suivre sa scolarité normalement. «Une enseignante nous seconde à la cabane durant la saison. A la rentrée, en septembre, elle lui fait la classe tous les matins!»
+ d’infos La cabane est ouverte jusqu'en octobre. Pour réserver:
tél. 081 856 12 35 ou email: cluozza@nationalpark.ch


Viewing all articles
Browse latest Browse all 179

Latest Images

Trending Articles