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En Valais, le loup passe entre les mailles du filet

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Un patou protège des troupeaux en Valais © Jean-Christpohe Bott/Keystone

La saison d’estive s’achève. Et comme chaque année, l’heure est au décompte des animaux de rente tués en Suisse  par le loup. En 2014, près de 200 bêtes ont été attaquées par ce grand prédateur. Ces chiffres sont fournis par le Kora, un organisme qui planifie, mène et coordonne des projets de recherche, en lien avec l’écologie des grands carnivores et leur coexistence avec les activités humaines. Le passage meurtrier du loup s’est tout particulièrement fait ressentir dans le Haut-Valais. C’est dans les hauts du val d’Hérens ainsi que dans la vallée du Turtmanntal qu’on dénombre la grande majorité de ses victimes.

Actuellement vingt à vingt-cinq loups provenant de la lignée génétique italienne sont présents en Suisse, principalement dans les cantons alpins et préalpins. La plupart vivent en meute, mais certains jeunes parcourent les montagnes en solitaires, et ce sont eux qui menacent le plus les troupeaux de moutons. La concentration de leurs attaques en Valais ne doit rien au hasard. Dans ce canton, la protection des troupeaux s’avère plus difficile qu’ailleurs en Suisse. «La dispersion des troupeaux rend leur surveillance plus problématique», confirme Jean-Blaise Fellay, secrétaire de l’Association des éleveurs ovins et caprins du Valais romand. Et d’invoquer également la difficile adaptation au défi que représente le retour du loup: «Petit à petit, nous avons pris conscience de la nécessité de nous défendre contre ce grand prédateur. Les éleveurs font de leur mieux. C’est un gros travail qui leur est demandé.»

Les limites du système

Au service cantonal de l’agriculture, le constat est le même: «Certains alpages sont plus difficiles à protéger que d’autres, précise Moritz Schwery, responsable de la coordination de la protection des troupeaux dans le Haut-Valais. En Valais, les troupeaux se composent généralement de petites unités. Pour leur sécurité, il faudrait ainsi regrouper les bêtes et ériger des clôtures, engager plus de chiens. Cela ne va pas de soi, et, surtout, cela coûte cher!» Autre obstacle, souligné par Jean-Blaise Fellay sous forme de boutade: «Les chiens, c’est bien, mais ils ne font pas la distinction entre un loup à quatre pattes ou à deux pattes.» Quelques randonneurs et autres touristes ont ainsi fait la douloureuse expérience de la rencontre avec 
ces gardiens d’alpage aux crocs acérés. 
Et souvent, quand les choses se passent mal, les éleveurs sont jugés responsables des attaques, non pas du loup, mais de leurs chiens. Bien consciente du problème, l’association Chiens de protection des troupeaux Suisse sensibilise le public aux spécificités de cette mission. Via des panneaux explicatifs, disposés dans les alpages, ainsi que par le truchement d’une vidéo, elle dispense conseils et recommandations en cas de rencontre avec ces redoutées «brigades canines» en liberté.  

«On ne veut pas du loup!»

A ces obstacles à la protection des troupeaux vient s’ajouter un blocage moins rationnel. Ce n’est un secret pour personne, le loup n’est pas le bienvenu en Valais. Eleveur à Praz-de-Fort, Olivier Sarrasin le dit sans ambages: «Ici, on ne veut pas du loup! Il nous complique la tâche et je ne crois pas à la possible cohabitation entre ce prédateur et nos animaux domestiques sur nos alpages.» Ce berger, histoire d’en avoir le cœur net, est allé examiner la situation en France et en Italie. Il en est revenu encore plus catégorique: «Là où passe le loup, il n’y a plus d’élevage possible!» Et de citer l’exemple des Abruzzes, où la cohabitation ne serait possible qu’en raison de l’enfermement des brebis durant la nuit. «Pas comme en Valais, où nos bêtes sont seules dehors, à 2400 mètres d’altitude.»

Défense organisée aux Grisons

Quelle que soit la méthode choisie, la protection des troupeaux ne s’improvise pas. «Elle n’est pas obligatoire, mais elle demande un engagement total pour être efficace», explique François Meyer, responsable de la formation des bergers chez Agridea. Comme le souligne ce spécialiste, «cela se passe mieux dans certaines régions que dans d’autres.» Et pourquoi? «Une question de culture, comme dans les Grisons où les éleveurs se sentent concernés par cette question.» Dans la région du Calanda, où vit pourtant une meute depuis 2012, les dégâts commis par le loup sont en effet limités, grâce à un système de défense bien établi. François Meyer tient toutefois à rappeler: «La proportion de moutons tués par le loup est certes infime, en comparaison avec les autres raisons de pertes dans les troupeaux, comme les maladies, les accidents et même les vols.» Il n’en est pas moins conscient du choc que représente la perte d’une bête tuée par un prédateur. Face à cette dure réalité, il n’y a que deux parades: le fusil ou la protection des troupeaux. Agridea défend la deuxième option.

Infographie © Pascal Erard

Nicolas Verdan

Terre&Nature, le 9 octobre 2014

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Berne aide ceux qui se protègent

Les mesures de protection des troupeaux sont encouragées et soutenues de manière ciblée par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Dans le cadre de ce programme, Agridea Lausanne est responsable de la Coordination nationale pour la protection des troupeaux depuis l’automne 2003. Informés par leur canton respectif de la présence du loup, les éleveurs doivent ensuite faire une demande de protection. Ils sont alors orientés vers Agridea. La prévention repose sur un système volontaire et non obligatoire. Sans protection, aucun dédommagement n’est prévu pour des animaux de rente tués par un prédateur.

+ d’infoswww.protectiondestroupeaux.ch, www.kora.ch

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