Des légumes à hiverner

Votre potager fait grise mine, maintenant que tomates, courgettes et basilic ont tiré leur révérence? C’est sans doute que vous n’avez pas misé sur les légumes d’hiver. En fin d’année, les jardiniers les plus prévoyants peuvent encore compter sur de longues semaines de récoltes de carottes, de panais, de betteraves rouges, de navets, de choux, de salades diverses et de topinambours. En effet, pour profiter des légumes tardifs, il faut anticiper. Car, si certaines variétés, dites d’hiver, se sèment en fin d’été (épinards, carottes, oignons blancs, navets, poireaux ou laitues, notamment), d’autres, comme les choux, doivent être installées au printemps déjà. Place et planification sont les maîtres mots du jardin vivrier. Il faut que les carreaux offrent suffisamment d’espace pour y planter des topinambours – envahissants – ou pour cultiver des choux de Bruxelles qui, du semis à la récolte, passent les trois quarts de l’année au potager. Pour cultiver des légumes d’hiver, l’altitude et l’exposition du jardin sont aussi à prendre en considération, de même que le choix des variétés (voir notre sélection ci-dessous). Il existe des variétés rustiques pour de nombreux légumes racines  ainsi que pour les choux, mais plus que les températures en dessous de zéro, c’est souvent la pluie ainsi que l’alternance entre gel et dégel qui font pourrir les cultures.

Dans le potager du château qui abrite le Musée national suisse, à Prangins (VD), le jardinier responsable, André Primpier, récolte les légumes en fonction des besoins du restaurant du musée. Toutefois, avant le gros de l’hiver, il les ramassera tous pour les stocker, en cave (voir encadré ci-dessous) ou en jauge. Cette dernière méthode convient parfaitement aux choux et aux poireaux. Elle consiste à creuser une tranchée d’une quarantaine de centimètres de profondeur. On y enterre provisoirement dans la terre meuble les légumes côte à côte, tout en laissant dépasser le feuillage, qu’on peut aussi recouvrir d’un paillage. Ainsi protégés, ils resteront accessibles, même lorsque le sol sera compacté par le froid. «Il est important de les cueillir avec la racine pour les hiverner, précise le professionnel. Ils se gardent plus longtemps.»

De la verdure malgré la froidure

A noter que le gel n’a pas que des effets négatifs. Les choux de Bruxelles ou les choux frisés non pommés, notamment ‘Langue d’alouette’ et ‘Redbor F1’, qui passent très bien l’hiver en pleine terre, ont un meilleur goût après avoir été mordus par le froid. C’est aussi le cas pour certaines variétés de choux-fleurs, dont ‘Eskimo’ par exemple, «Topinambours, scorsonères et salsifis résistent aussi très bien, note le jardinier. Les tubercules restent dans le sol et seront récoltés en fonction des besoins, car ils s’oxydent rapidement, une fois à l’air libre.» Joignant le geste à la parole, André Primpier plante sa bêche et retourne la terre, à la recherche de ce légume ancien, qui revient au goût du jour.

Laissés en terre, ces légumes dits perpétuels reprendront leur cycle de vie végétatif au printemps. C’est également le cas de certaines variétés d’épinards ‘Géant d’hiver’, de chicorée rouge ‘Verona’ ou les bettes à tondre ‘Vert à la coupe’ ou ‘Jaune des Grisons’ qui se remettent à pousser dès que les beaux jours reviennent. Avant que ces épinards ne montent en graines, on peut encore récolter quelques jeunes pousses, bienvenues au premier printemps. Quant aux salades, certaines variétés d’hiver comme la chicorée pain de sucre, la plupart des mâches, la laitue à tondre ‘Lattughino d’hiver’ et le pourpier d’hiver sont rustiques et supportent de courtes périodes de gel. Pour être certain que ces salades résistent, mieux vaut les recouvrir d’un voile de protection, en l’absence d’une bonne couche de neige qui les isolerait du froid.  En recourant à des équipements tels que les serres ou les tunnels non chauffés, mais hors gel, il est possible de prolonger les périodes de cultures de nombreux légumes en fin d’automne et de hâter leur production au printemps, afin d’être à même de récolter des légumes frais, tout au long de l’année, ou presque.

Marjorie Born

Terre&Nature, le 21 novembre 2013